Charles Trenet: Le petit pensionnaire

Pour avoir dit l'oncle Jules qu'il tait ridicule, Pour avoir dit tante Ida qu'elle avait l'air d'un rat, Pour avoir pinc ma cousine Au fond de la cuisine, Pour avoir dit : zut m'sieur l'sous-Prfet, Voil, voil ce qu'on m'a fait. On m'a, sans plus d'manires, Boucl, boucl. On m'a mis pensionnaire Dans l'collg' dont j'n'ai pas la clef. Je suis le petit pensionnaire Qui rentr' au bahut l'dimanch' soir Aprs un seul jour phmre De grand bonheur et d'espoir. Aprs les minutes exquises, Il faut retrouver le dortoir. La veilleuse bleue, La nuit grise Et le pion, ce monstre noir Comme un gendarme, Il m'suit des veux. La vie, pour moi, n'a plus de charme, Dans le vacarme Des heur's de jeu. Souvent je vers' plus d'une larme. J'm'endors en pensant ma mre Et mon gros chien que j'aim' tant. Je suis le petit pensionnaire, Qu'on vient d'enfermer pour longtemps. Les haricots du rfectoire Sont tous obligatoires Et les patat's et les navets Sont vous fair' crever... Il faut manger un sal' potage O les mouches surnagent, Alors, comm' je n'veux pas encor' mourir, Je mang' les mouch's pour me nourrir. J'n'ai pas de camarade. Je suis tout seul Et, quand je suis malade, Il faut chaqu' fois qu'j'en fass' mon deuil. Je suis le petit pensionnaire Qui rv' de partir un matin Sur une grand'route si claire Qui m'conduira, c'est certain, Vers le paradis de lumire, La jolie maison de chez moi, Le jardin fleuri d'roses trmires. Et le vieux salon bourgeois Vers l'oncle Jules J'irai gaiement. J'dirai : bonjour tante Ursule Et ma cousine Le c?ur ballant, J'l'embrasserai sous les glycines... J'connatrai des nuits printanires Et de bien plus charmants rveils. Je n'serai plus le p'tit pensionnaire Et j'irai courir dans l'soleil.