Charles Trenet: Peint par la sueur

"Cet ecclsiastique se servait d'une marque de cirage appele "A l'Ecclsiastique". Avait-il le got des sentiers ardus et trop ensoleills qu'il gravissait l't bicyclette, pdalant et suant comme un cheval avec sa pomme d'Adam qui usait son faux-col. Ne prfrait-il pas vivre l'ombre des ormes de son sminaire ?" A Raoul Breton et la Marquise.} Je m'en souviens, de ces jeudis, poireaux sauvages Dans les vignes de l'Aude avec mes camarades, Avec l'abb sportif jouant au tambourin, soulevant sa soutane pour courir bien, Pour courir mieux, clignant des yeux, Car la poussire d'or lui fait verser des larmes. J'en ai connu de ces jeudis pleins de gendarmes. Je dis : jeudis, mais samedis non moins de charme. Vous aviez le secret de verser la fracheur Du Pernod de grand-pre au c?ur des carrelages. Le wagon-foudre des voisins rempli d'chos Retentissait encore de vos chansons, vendanges ! Les pieds des vendangeurs aux oignons rouge sang Carmagnolaient allgrement. Les jambes blanches Au poil noir, o venaient s"coller quelques mouches, allaient d'un pas dansant. Voici Sultan, le chien qui dort et qui se couche Au milieu de la route pour dormir. Impossible De le tirer de l. Allons Sultan, va-t'en ! Mais il a des ides de sommeil, de chien fou. La vieille qui va passer par l, il la mordille un peu. Alors elle met du soufre sur ses bas, Sultan crache du feu. Le voil parti roulant dans la poussire comme une vieille automobile. Il parat que prochainement un cirque doit venir. En cet honneur nous pavoisons. Grand-mre jette de l'eau sur les voyous qui s'attroupent dans la rue. "Allez-vous-en, mar- maille !", crie-t-elle. Moi je joue du clairon comme a, avec la main, pour les appeler. On ne peut plus vous supporter dans le village, Canicule de juin qui brle comme tout. Le soleil a mang la couleur des murailles. Un journalier s'essuie le front, c'est Fitou Que la scne se passe, et c'est aussi La Palme Et la Franqui sauvage et sa presqu'le calme Et puis Sainte-Lucie o l'on peut acheter Une chvre un peu folle, Des joies en libert, Un lapin agricole Qui sait donner la patte, Un titre de noblesse : Armand des Aromates, Un lac sal qui sche au soleil, l si lent Qui le boit goutte goutte et d'un air nonchalant Fait miroiter mille facettes de lumires Aux carreaux des maisons, aux yeux de la fermire, Au mica sur la plage, au feldspath sur le roc, Au bec de coq au coteau cr, ces coquilles, A ces charbons de coke, ces gteaux-rousquilles, A ce cliquetis d'armes. On se bat en duel Dans le bois d' ct. Divinits du ciel ! Le docteur saura-t-il panser toutes ces plaies ? Il ne sait rparer qu'un chapeau haut de forme. Il ignore le sang, les veines et les nerfs. Cessez ce vieux combat, Messieurs, vous avez l'air D'acteurs de film muet. Enlevez-moi ces barbes. Ils sont partis me laissant tout seul avec la grenouille. La grenouille qui vole un b?uf. Qui vole un b?uf en vole neuf. Je n'ai pas termin mon devoir sur la Grce. Je prfere l'poque des Gaulois, mais je crois tout de mme que Vercingtorix tait un personnage de thtre. Voici Abert Lambert avec ses espadrilles. Musidora se meurt au fond de cette cuve. Suzy l'amricaine avec Justin Clare S'chappent d'une hutte en feu, quel naturel ! Ce feu nous a brl pendant notre jeunesse, Que ce soient les souliers trop luisants, la paresse, La vigne, la maison si frache dans le noir, Il vient avec l't ressusciter des ombres. Une une, aujourd'hui, mon rve les dnombre. Il suffit d'appeler au fond de ce couloir !